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Contre-enquête sur la mort d’Ötzi !

On le disait mort d’épuisement dans une tempête de neige.On le prétend aujourd’hui victime d’un sacrifice rituel.Polar préhistorique autour d’une pointe de flèche. Assassinat, sacrifice ou maladie? ...





Nick-Oetzi

Rarement un cadavre aura suscité autant de curiosité, de controverses, d’investigations. Pas même celui de Ramsès II! Après onze ans d’étude, Ötzi, alias Hibernatus, l’Homme des glaces, ou encore l’homme du Similaun, plus ancien corps humain complet jamais trouvé, vient de passer, selon le Washington Post (1) et deux documentaires (2) à paraître, du statut de simple chasseur néolithique, mort d’hypothermie et d’épuisement au cours d’une tempête de neige dans les Alpes, il y a 5000 ans, à celui, beaucoup plus prestigieux et vendeur, de victime d’un homicide!


Un meurtre! Voilà qui est nouveau. Une hypothèse inédite du genre percutant, baptisée d’ailleurs «théorie du désastre». En janvier 2002, on parle de «meurtre rituel dédié aux divinités des montagnes». Cette version est développée par le célèbre archéologue américain Johan Reinhard, que l’on connaît pour ses spectaculaires découvertes d’enfants incas sacrifiés sur les sommets andins (voir Sciences et Avenir n°633, novembre 1999). «J’apprécie Reinhard, mais je pense qu’il confond les Andes et les Alpes», commente sobrement Horst Seidler, anthropologue viennois et responsable du Comité de recherche scientifique sur l’Homme des glaces.


Raison de ces nouveaux emballements médiatiques: la détection par scanner (CT-Scan), en août 2001, d’un fragment de projectile dans la région dorsale d’Hibernatus. Un morceau de pointe de flèche d’une longueur de 21 mm – ce qui ne fait jamais que 2,1 cm – sur 15 mm de largeur. Certains s’étonnent d’ailleurs qu’il n’ait pas été décelé avant, vu les nombreux examens subis par le corps.


Selon le Dr Eduard Egarter Vigl, pathologiste en chef à l’Hôpital régional général de Bolzano (Italie), le projectile, après avoir perforé l’épaule gauche, aurait tranché une artère et déclenché une infection bactérienne. «Tout cela n’est qu’hypothèse, fait remarquer Paul Bahn, archéologue anglais spécialiste d’Ötzi. Après tout, il ne s’agit que de spéculations autour de l’interprétation de l’image numérique d’une tomographie.»
« Il faut d’ailleurs s’attendre à d’autres rebondissements, poursuit l’archéologue britannique. Dès la découverte d’Ötzi, les polémiques ont jailli. Replaçons-nous dans le contexte de l’époque. Certains réfutaient même l’authenticité du corps. On parlait de canular ma-gistral. De cadavre d’homme moderne.»


Rencontré le 19 septembre 1991 dans le sud du Tyrol autrichien, à la frontière de l’Italie, par des randonneurs allemands qui rejoignent la vallée de l’Otzal – d’où son nom –, le corps d’Ötzi est découvert, à moitié pris dans la glace, nu, congelé et, comme on le découvrira quelque temps plus tard, entouré d’une panoplie d’outils, de vêtements et d’objets en cuir, bois et silex. Soixante-dix au total. Trouvé dans la passe de Tisenjoch, à 3210 m d’altitude, entre le mont Similaun et le Finailspitze, il est dégagé quatre jours plus tard – à coups de piolet – puis récupéré par des chercheurs de l’université d’Innsbruck, en Autriche. La partie gauche de son bassin est endommagée au cours de l’opération. Un petit forcing pour mieux le faire rentrer dans un cercueil trop étroit lui fracture aussi le bras, juste au-dessus du coude. Finalement, le corps gelé d’un homme de 43 kg est transféré à l’université d’Innsbruck.


Le 2 octobre suivant, une commission d’enquête menée par des cartographes italiens et autrichiens constate qu’Hibernatus se trouvait en réalité à 92,6 m à l’intérieur du territoire italien. Début de polémique. Mais la science l’emporte et un accord est pris. Ötzi, propriété de l’Italie, passera quelques années en Autriche pour étude. Sa restitution à Bolzano n’aura lieu qu’en 1998.
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Par Bernadette Arnaud pour:
Sciences & Avenir


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