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L’empire des fourmis

Elles sont déjà là, leur empire s’étend sur 6.000 kilomètres, de l’Italie jusqu’au Portugal, elles sont une multitude… les fourmis d’Argentine, terribles envahisseurs du sud de l’Europe, possèdent une extraordinaire organisation sociale : l’unicolonialité...





Fourmi

Fidèle au vieille adage « l’union fait la force », Linepithema humile a conclu un pacte de non agression avec celles de son espèce : les guerres entre les nids sont extrêmement rares, leur membres se mélangent sans heurt. En fait, il existe deux énormes super colonies à l’intérieur desquelles les ouvrières sont toutes amies. Une vraie paix romaine.


Dans les Proceedings of the National Academy of Sciences du 16 avril 2002, des chercheurs français montrent que cette paix relative est vraisemblablement due à une grande ressemblance génétique entre les fourmis pour certains locii (un locus est l’emplacement d’un gène). Si les colonies descendent d’une petite population - un événement qui favorise la fixation de certains gènes et appauvrit la variabilité génétique de l’espèce - on peut comprendre que les fourmis perdent de leur agressivité, faute de gènes guerriers. Mais les chercheurs proposent une autre théorie : et si les fourmis pacifiques étaient favorisées par la sélection naturelle ?


« L’introduction dans un nouvel habitat dont les contraintes sont moins fortes (relâchement de la pression parasitaire et compétitive) provoque une augmentation de la densité des nids », expliquent les chercheurs. « Ceci peut sélectionner une perte de la diversité génétique au niveau des locii de la reconnaissance parce qu’une grande densité de nids induit une plus grande probabilité de rencontre des ouvrières de colonies étrangères. Cet état des lieux entraîne une augmentation du coût pour la défense du territoire. » En effet, des fourmis qui passent leur temps à se battre sont moins productives et donc désavantagées par rapport aux autres. Chacune des deux super colonies auraient fixé des gènes de reconnaissance différents, ce qui explique les batailles impitoyables qu’elles se livrent l’une contre l’autre.


Selon les chercheurs, un système unicolonial est particulièrement instable car les ouvrières en viennent à aider des individus qui ne leur sont pas apparentés. « L’unicolonialité est un système social de transition condamné à disparaître », concluent les chercheurs.



Par Nicolas Gantier pour :
Sciences & Avenir


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