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Le steak caché des fast-foods

S’inscrivant dans une tendance à la scénarisation des aliments lancée par les géants nord-américains de l’industrie agroalimentaire, les fast-foods proposent une viande parodique et désincarnée.

Cette stratégie est destinée à atteindre leur coeur de cible : les enfants, (futurs) consommateurs à fidéliser à tout prix. Mais, plus largement, ce travestissement traduit ­ et trahit ­ aussi un rapport occidental à la viande fort ambigu.



Un aliment ordinaire, la viande ? Elle possède une densité symbolique dont ne seront jamais investies l’endive, la nouille ou la pâte d’amande. Cela est plus qu’une boutade : il s’agit de l’aliment en quelque sorte absolu. Vivenda, étymologiquement, signifie « qui sert à la vie ». En fait, plusieurs ambiguïtés de nature anthropologique contrarient la relation de l’homme occidental à la viande, pour la rendre complexe et équivoque.



La viande nous renvoie d’abord à notre nature carnassière, donc de prédateurs. Elle constitue une irruption de la nature dans la culture. Viande, viol, violence se ressemblent, et se trouvent sémantiquement proches les uns des autres. Cet « aliment animal » contient, tout à la fois, la vie et la mort. En ingurgitant de la viande, « nous digérons des agonies », selon le mot célèbre de Marguerite Yourcenar. Il n’est pas incident que cet aliment suscite passion et répulsion, appétit et dégoût.



La viande a de même été symboliquement assimilée aux pulsions par nombre de religieux et de philosophes. Le végétarisme revendique toujours une forme de pureté, et toute ascèse (tel le carême) proscrit d’abord la viande, invariablement. A contrario, manger de la viande rouge, c’est de la jouissance par procuration, en même temps que de la violence à distance... (suite de l'article en lien)



Source : Le Monde Diplomatique


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