Cinéma (+ PLUS)

Mondo Mulloy : Blasphèmes en rouge et noir

Phil Mulloy est un réalisateur de dessins animés encore peu connu en France. Son trait est sans concession et son esprit celui des francs tireurs. On peut bien sûr penser à Bill Plympton, avec néanmoins une violence accrue. C'est dire si ses films sont plus que recommandables. Ce programme de onze courts-métrages est donc à voir de toute urgence, d'autant qu'il contient quelques petits chefs d'œuvre.

Imaginez des films d'animation en noir et blanc, dont toute rondeur, toute douceur ont été bannies. Peuplez-les de figures filiformes, aux lignes rugueuses, heurtées, et dont les traits d'humanité ne permettent de savoir s'ils sont cadavres ou êtres vivants. Entourez ces corps en sursis d'un décor aux signes réduits au minimum, ville ou campagne, intérieur bourgeois ou planète lointaine. Et laissez le tout se mettre en ébullition, débordant inéluctablement des limites de l'ordre pour déboucher sur les catastrophes de l'oppression, de la violence et de la guerre. Quand vous aurez accusé le coup de cette vision, de cette rencontre inattendue avec un univers affranchi de toute règle, vous pourrez rire, d'un de ces rires jaunes qui sauvent face à l'absurdité du monde. Et vous remercierez Phil Mulloy de vous l'avoir procuré.



Anglais, Phil Mulloy s'est lancé dans l'animation en 1978. Depuis il est l'auteur de dizaines de courts et longs métrages. Le programme visible actuellement en salle couvre, par une sélection de films de trois à quinze minutes, une période allant de 1992 à 2000. Il permet de mesurer l'ampleur de cette œuvre on ne peut plus personnelle. Presque seul, Mulloy dessine, anime un tableau peu reluisant de l'humanité. A travers diverses séries, intitulées Cowboys, Les Dix commandements, L'Histoire du monde et Intolérance, et quelques œuvres isolées, il compose des contes moraux à l'humour sardonique, parfois empreints d'un grande sensibilité. Une très grande violence s'exprime en surface, tant dans la forme que le propos, blasphème jeté à la face des conventions. Mais si cette violence est omniprésente, elle laisse parfois entrevoir un instant de bonheur, îlot formé de l'amour d'un homme et d'une femme, un moment très bref battu par le vent de la bataille.



L'ensemble pourrait s'intituler "les hommes entre eux", tant chacun semble y être le prédateur de l'autre. L'humour noir qui imprègne le tout permet de faire passer le spectacle d'une humanité vouée à la cupidité, à la morbidité, au crime, à la haine et à la répression. Les corps décharnés, réminiscences des horreurs du XXème siècle, sont prisonniers de pulsions souvent sexuelles que la société, à travers la religion, prend un malin plaisir à écraser. Les humains s'entre-déchirent, dans l'ignorance de leurs prochains. Ils exécutent des sarabandes de meurtres et de sang sur les tréteaux du théâtre de l'absurde. Une logique sans faille, si ce n'est l'attachement à l'autre, conduit ce monde vers la violence ; un monde où un dessin d'enfant peut déclencher une guerre (La chaîne) ou un homme se déguiser en chien par amour (Tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin). (...)



Suite de l'article : fluctuat.net


Imprimé depuis Cafeduweb - Archives (http://archives.cafeduweb.com/lire/4404-mondo-mulloy-blasphemes-en-rouge-noir.html)