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La démocratie participative... un premier pas vers la démocratie directe ?

Conseils de quartier, consultation des associations, débats publics, référendums d'initiative populaire, ou encore réforme des enquêtes d'utilité publique, les idées foisonnent à droite comme à gauche pour que les citoyen-ne-s s'impliquent davantage dans le fonctionnement des institutions politiques.

Même si les initiatives concrètes restent encore marginales, même s'il existe des différences notables entre les propositions des uns et des autres, c'est bien l'idée d'une démocratie plus participative qui est de fait préconisée ici. C'est-à-dire d'une démocratie où les citoyen-ne-s ne seraient plus seulement consulté-e-s une fois toutes les x années, mais dans laquelle ils et elles seraient plus ou moins intimement associé-e-s au fonctionnement des institutions, à l'élaboration des choix et aux prises de décisions.



De la démocratie représentative... à la démocratie participative

Démocratie participative. Le terme est lancé.

L'idée semble faire son chemin et l'on pourrait à juste titre se demander s'il ne s'agit pas là d'une première étape vers la démocratie directe. La démocratie participative n'écorne-t-elle pas en effet le principe de la délégation de pouvoir à des élus sans contrôle véritable, ni mandat impératif ? Ne tend-elle pas à donner aux citoyen-ne-s sinon tout le pouvoir, du moins la possibilité d'être pris véritablement en compte et même d'influer sur les décisions politiques ? Ne pourrait-il pas s'agir d'un premier pas conduisant nécessairement à ce qu'à terme le fonctionnement des institutions, les orientations et les choix soient directement élaborés et décidés par les citoyen-ne-s eux-mêmes ?

Démocratie participative.

Cette idée a évidemment de quoi séduire tous ceux et celles qui sont sensibles aux thèses autogestionnaires, mais qui pourtant a été élaborée, lancée et qui est toujours aujourd'hui soutenue par des courants politiques pour le moins jacobins, étatistes et autoritaires. Trotskistes, communistes, chevènementistes ou encore gaullistes font, en effet, non seulement régulièrement référence à la démocratie participative mais ce sont eux qui en ont même inventé le concept et qui l'expérimentent en maints endroits. démocratie participative ?

Somme toute, un drôle de sujet de consensus pouvant séduire les tenants du moins d'État, voire du pas d'État du tout, mais qui est cependant mis en œuvre par ceux du toujours plus d'État et de centralisation. Ceci a évidemment de quoi surprendre, de quoi créer un malaise certain ou du moins un doute sérieux quant à la nature véritable, quant au sens réel de cette proposition, que l'on aurait pu interpréter -a priori- comme un premier vers l'autogestion. Proposition consensuelle, trop peut-être pour être honnête à moins de croire à toute force que les tenants du jacobinisme se soient tout à coup convertis aux vertus d'une citoyenneté active pour ne pas dire de la démocratie directe.

Dès lors, l'examen d'une expérience concrète de démocratie participative n'est peut-être pas inutile.

Cela peut nous permettre de mieux comprendre ce dont il s'agit et de saisir un peu mieux où veulent en venir tous ceux et celles qui en font aujourd'hui la promotion. Et quitte à faire une étude de cas pourquoi ne pas prendre celui de Porto Alegre au Brésil, cité régulièrement en France comme l'exemple à suivre aussi bien par les verts que par les trotskistes.



Luttes urbaines à Porto Alegre

On peut démarrer la généalogie de la démocratie participative à Porto Alegre aux années 1970.

Tout au long de cette décennie, des associations de quartiers s'étaient constituées dans cette ville industrielle du sud du Brésil d'environ 1.200.000 habitants. Comme dans bien d'autres pays, ces comités de quartier menèrent tout d'abord des luttes locales sur différents sujets comme la distribution d'eau, l'assainissement, les transports en commun ou encore sur tel ou tel projet d'équipement. Au début des années 1980, un tournant s'amorça. Sous l'impulsion des militant-e-s du PDT (Parti Démocratique du Travail, socialiste) et du PT (Parti des Travailleurs, trotskiste), les associations de quartier formèrent des coordinations tout d'abord à l'échelle d'arrondissement, puis de l'agglomération. L'objectif était double. Il s'agissait non seulement de structurer le mouvement et de grouper les forces, mais aussi d'un effort disons qualitatif visant à dépasser le niveau local du quartier pour se donner les moyens d'intervenir au niveau de l'agglomération.

Dès 1985, les choses évoluèrent rapidement. Le candidat du PDT remporta les élections municipales et ce notamment grâce au soutien des comités de quartier. Dans le même temps le PT prenait la tête du mouvement associatif.

La question des rapports entre ces deux formations politiques se posa alors avec force. Organisations concurrentes, elles partageaient néanmoins une histoire commune au sein des associations territoriales mais cela ne déboucha pas sur la formation d'une majorité de gauche plurielle. Chaque parti resta campé sur sa structure et tout au long de la mandature socialiste, des conflits opposèrent régulièrement le PDT au PT et bien sûr comme il se doit la nouvelle municipalité aux comités de quartier.



Comités de quartier et municipalité : pouvoir et contre-pouvoir

Les tensions qui suivirent entre mouvement associatif et pouvoir communal ne peuvent cependant être réduites à de simples antagonismes entre organisations politiques concurrentes. Ces aspects furent certes prégnants, mais ils n'expliquent pas tout. D'autres problèmes plus structurels se posèrent également. Du côté de la mairie, le PDT souhaitait en effet exercer son nouveau pouvoir normalement, c'est-à-dire en toute souveraineté. Son raisonnement était simple. Le jeu démocratique donnait clairement le pouvoir délibératif et décisionnel au conseil municipal et à son exécutif. De plus, ce pouvoir était parfaitement légitime au plan légal car conféré par le suffrage universel. Mais du côté des comités de quartier, les choses n'étaient pas vraiment envisagées dans les mêmes termes. Considérant, non sans raison, que le nouveau maire leur devait son fauteuil, ceux-ci désiraient être pris en compte et même influer sur les choix municipaux et ce également au nom de la démocratie et de la légitimité populaire. Cette aspiration, soulignons-le encore, dépassait amplement la seule question des rapports entre PDT et PT. Certes ce dernier l'utilisa pour s'imposer face à son ancien partenaire socialiste, mais il l'utilisa seulement car il existait bien une véritable aspiration des comités de quartier à prendre directement en main la destinée de leur ville, c'est-à-dire leur propre destinée.

Légitimité contre légitimité, rationalité contre rationalité, les tensions entre organisations territoriales et pouvoir municipal étaient inévitables même en l'absence de concurrence politicienne entre partis antagonistes. Elles s'esquissèrent d'ailleurs avant même les élections. Lors de la campagne électorale, les comités de quartier firent pression sur le candidat socialiste pour qu'il s'engage à organiser un grand débat public sur les choix d'investissement municipaux lorsqu'il serait élu. Cette demande n'était pas anodine car elle revenait à vouloir ouvrir la boite noire du budget, là où l'argent public est affecté à tel ou tel projet, là où se décide de fait les choix qui influeront sur l'organisation et la structuration de la ville et au-delà sur nos vies quotidiennes. Cette demande n'était pas non plus anodine dans le sens où il pouvait s'agir d'un premier pas. Le second pouvant être que la municipalité prenne réellement en considération l'avis des habitants sur tous les sujets ; le troisième enfin que le budget d'investissement et de fonctionnement - et à travers cela redisons-le la totalité de la politique municipale - soit élaboré et approuvé non plus par les élus mais par directement par les habitants.

Au cours de cette campagne électorale, le PDT céda bien sûr aux exigences des comités de quartier. Il accepta... de promettre d'organiser de tels débats non seulement au début mais aussi tout au long de son mandat. Tant qu'à promettre... Mais les promesses électorales n'engageant que ceux et celles qui y croient, elles ne furent bien évidemment pas honorées.

Quatre ans plus tard, en 1989, le PDT englué dans des affaires de corruption et de malversations diverses perdaient les élections et c'est le PT qui prenait sa place. Ainsi les comités de quartier servaient à nouveau de marchepied électoral. L'histoire toutefois ne se répéta pas car les trotskistes ne firent pas les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Conscient des frustrations que les promesses non tenues avaient engendrées dans le mouvement associatif, conscient que ce dernier voulait réellement et profondément être pris en compte dans la manière dont la ville était gérée et aménagée, le PT mit immédiatement en place des structures permettant une certaine participation des habitants à l'élaboration du budget municipal. (...)



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