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Vive la télévision !

Dernier samedi avant Noël. Je regarde la finale de "Star Academy". Une jolie brune chante et puis pleure, ou l'inverse. Un jeune homme la regarde, au bord du sanglot, et la serre dans ses bras de toutes ses forces. Musique... Une autre jeune fille, blonde cette fois, dans le public, pleure.

Ses larmes coulent, abondantes. Je m'abandonne. Soudain, en une fraction de seconde, grâce à une erreur de montage, je m'aperçois qu'un des personnages attend que la caméra soit sur lui pour étreindre, pleurer et sourire. Et là, j'ai honte de m'être un instant laissé aller.



Ce personnage veut nous faire croire qu'il ne joue pas. Il fait là le contraire de ce que je considère comme la plus noble figure de la représentation, le contraire de l'aparté dans la commedia dell'arte lorsqu'un acteur interrompt son action, se tourne vers la salle pour réclamer son approbation, puis reprend l'action laissée en suspens comme si de rien n'était. La noblesse de cette manière réside dans le fait qu'elle est destinée à rendre le public intelligent, maître de lui-même. C'est en pleine possession de ses moyens qu'il choisira de siffler ou d'applaudir. C'est lui qui décidera du rapport entre la réalité et la représentation de la réalité qu'on lui propose.



Dans "Star Academy", comme dans toutes les émissions de ce genre, il s'agit, à l'inverse, de berner, d'abuser, de manipuler le public... De l'assujettir en lui faisant croire que la réalité représentée est la réalité elle-même.



Toutes ces émissions diffusent, distillent, vaporisent sur tous les sujets qu'on les laisse traiter - et les limites ne cessent de reculer - un seul message : la réalité est faite de vainqueurs et de vaincus, de forts et de faibles... La compétition est la vie elle-même. Elle est affective, psychologique, sexuelle et, bien sûr, sociale, économique et encore physique, esthétique... Et les perdants doivent aller embrasser les gagnants car la Réalité leur a assigné leur place. C'est comme si c'était de l'ordre de la Nature. Il n'y a donc aucune raison de se fâcher.



Il ne faut pas être devin pour comprendre à qui profite le crime. Si l'on me démontre que cela n'est pas de l'Idéologie Libérale, de la Propagande Capitaliste, je veux bien me taire définitivement. Il faut peut-être à nouveau dire capitalisme, dont le radical "capital" me paraît mieux indiquer la nature de ce système que le radical "libre"du mot libéralisme.



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