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Pussy redescend sur terre !!

Après avoir régné seul maître à bord dans les airs, Yvonne CUNHA, surnommée « Pussy », première femme pilote de ligne belge, prend sa retraite à 60 ans. Elle a emmené des pélerins à la Mecque, des Casques Bleus au Rwanda, des prisonniers de guerre marocains à Agadir, mais aussi de simples touristes vers l’Espagne, la Grèce ou la Turquie...

Sa carrière auprès de la VLM (Vlaamse Luchtvaartmaatschappij) est désormais terminée.

Pussy Cunha fut pilote, administratrice, instructrice, training manager et examinatrice, mais pour gagner sa place au soleil en qualité de première femme pilote de l’aéronautique belge, elle s’est battue comme un lion.

Son surnom, elle le doit aux sœurs qui la baignèrent à sa naissance ; son patronyme elle le doit à un grand-père portugais, capitaine au long cours, qui lors d’une escale à Anvers y rencontra une beauté locale et l’épousa.



La passion d’Yvonne Cunha pour les avions date de l’enfance, de ses jeux avec son frère cadet ; ensemble ils inventaient et fabriquaient des petits avions en plastique, leur imagination se chargeait du reste dans le salon familial. Dès qu’elle put lire, elle se précipitait sur des bédés avec pilotes en vedette et dès l’athénée, sa décision était prise : elle serait pilote ou rien ! Lorsqu’elle exprima avec enthousiasme son rêve à l’une de ses professeurs, la douche fut froide : la prof en question la déclara bonne à enfermer ! Après cela, lorsqu’on demandait à Pussy quels étaient ses projets d’avenir, elle ne répondait plus que très vaguement évitant ainsi des commentaires déplaisants. Pas évident les années 60 en Belgique, pas évident de vouloir exercer un métier « non féminin » ; après tout les femmes étaient censées se marier et avoir des enfants, pas d’être ambitieuses.



Ses parents ayant refusé qu’elle apprenne à voler sur avions de tourisme, pour des raisons de danger, Yvonne Cunha se tourna vers un ami de la famille dont le fils était pilote ; elle lui cassa les pieds pour savoir comment apprendre à voler, aussi lui proposa-t-il (dans l’espoir d’avoir la paix) d’apprendre à voler sur planeur. Là, les parents Cunha marquèrent leur accord, persuadés que leur fille perdrait rapidement le goût du pilotage. Pussy fut enchantée par l’expérience, mais sa mère l’ayant accompagnée à l’aéroport, la malheureuse dame fut choquée par le langage grossier et les blagues salaces des membres masculins du club. La brave femme décréta que « non, décidément, sa fille ne fréquenterait jamais ce milieu ! ».

Dès lors, la jeune Yvonne utilisa une méthode bien connue des parents et des enfants, qui consiste à insister, et insister encore, jusqu’à l’usure, jusqu’à ce que les nerfs craquent ! Et les parents craquèrent … Sous la stricte houlette de sa mère, Pussy Cunha fut enfin, à 17 ans, apprendre à piloter un planeur.



Dès lors, la pierre se mit à rouler, ou plutôt à voler. Pussy parvint finalement à piloter un avion à moteur et trois ans plus tard, elle était pilote instructeur.



Lorsqu’elle voulut entrer à l’école de pilotage de la Sabena, cela lui fut refusé car les jeunes filles n’y étaient pas admises. Grâce à une tante qui croyait en elle, Yvonne Cunha reçut la moitié de la somme nécessaire à sa formation et afin de payer l’autre moitié, elle travailla comme pilote-instructeur et également à l’administration des services d’entretien. Finis les coiffeurs et les vêtements, chaque sou fut économisé afin de réaliser son rêve. A aucun moment la jeune fille ne se découragea, malgré les quolibets et les remarques parfois désobligeantes d’un monde très masculin. Petit à petit, Mademoiselle Cunha se rapprocha du but fixé et à la fin de sa formation de pilote de ligne, elle fut engagée par la compagne TEA et se mettre aux commandes.



Pussy Cunha n’a jamais eu non plus à choisir entre foyer et carrière ; à aucun moment elle ne ressentit l’envie de fonder une famille ayant compris très tôt qu’elle n’avait aucunement la fibre maternelle.

Les réactions des passagers, lors des premiers vols, ont toujours beaucoup amusé Yvonne Cunha ; en effet, en tant que capitaine elle se trouvait à gauche, là où les passagers montent dans l’avion ; dès qu’on l’apercevait dans le cockpit, les passagers lui faisaient des grands signes de sympathie, s’interpellaient entre eux en la désignant. Une seule et unique fois, au long de sa carrière, un homme refusa de prendre l’air sous prétexte que le pilote était une femme, cette exception mise à part, les réactions des passagers furent toujours très positives.



Responsable de plusieurs centaines de vie à chaque vol, un pilote se doit de garder son sang-froid en toutes circonstances et Yvonne Cunha n’échappe pas à cette règle ; d’un naturel décontracté, elle ne se départit jamais de son calme, mais elle déclare aussi n’avoir jamais été vraiment confrontée à des situations dangereuses.



Lorsqu’on lui demande ce qu’elle a le plus apprécié dans sa cabine de pilotage, Pussy Cunha répond invariablement « La nature et toutes les merveilles qu’elle offre aux regards du haut du ciel. De plus en tant que pilote de ligne, on est toujours sous le soleil quel que soit le temps au sol ; j’ai des souvenirs de couchers de soleil fantastiques ».



A présent, Yvonne « Pussy » Cunha va consacrer son temps libre aux hobbys qu’elle n’a pas beaucoup eu le temps de pratiquer auparavant ; elle craint que ses journées ne soient pas assez longues pour faire tout ce qu’elle aime.



Adapté d'une interview parue dans l'hebdomadaire néerlandophone Libelle.


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