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Mary Webb

C’est grâce au premier ministre anglais de l’époque, Stanley Baldwin, que l’auteure anglaise Mary Webb fut redécouverte par ses contemporains. Pourtant « Precious Bane », le roman que le premier ministre découvrit sous le sapin de Noël en 1926, avait déjà obtenu le Prix Femina Vie Heureuse un an auparavant, prix décerné annuellement au meilleur roman d’imagination décrivant la vie en Angleterre.

Mary Webb ne fut pas suffisamment reconnue de son vivant, de santé fragile sa vie fut courte ; tous ses romans sont une véritable ode à la nature et à son comté du Shropshire où elle vécut, non loin de Shrewsbury, petite ville bien connue des amateurs des polars médiévaux d’Ellis Peters.



Gladys Mary Meredith naquit en mars 1881 dans le village de Leighton ; son père, George Edward Meredith était professeur, très fier de son ascendance galloise. Quant à sa mère, Sarah Alice Scott, elle était la fille d’un médecin d’Edimbourg, descendant du clan des Scott (celui-là même du célèbre Sir Walter Scott).

Mary était l’aînée des six enfants du couple ; en tant qu’aînée il fut exigé d’elle qu’elle s’occupât des plus jeunes. Parmi ses premiers écrits figurent des comptines et petits jeux théâtraux destinés à amuser ses jeunes frères et sœurs.



Les parents Meredith achetèrent une large demeure « The Grange » qui abritera la famille pendant six années ; c’est là que Mr. Meredith professeur d’Oxford, fonda une pension pour garçons ; c’était un homme cultivé, généreux, peintre et poète qui adorait la nature et eut une immense influence sur sa fille aînée. Il lui fit connaître l’histoire, le folklore et les légendes du comté de Shropshire.

Les écrivains et poètes préférés de Mary Meredith furent Shakespeare, Milton, les Brontë, Thomas Hardy, ainsi que beaucoup d’œuvres de la littérature classique anglaise.



La jeune femme aimait à se promener dans les champs et forêts du comté, observant la nature avec une grande perception de chaque détail. En 1856, la famille Meredith quitta « The Grange » pour s’installer dans le Nord Shropshire ; c’est là que la frappèrent les premiers symptômes d’un dysfonctionnement de la thyroïde dont elle souffrira gravement durant sa courte vie et dont elle mourra – maladie qui altérera aussi son apparence physique ; elle en devint très secrète, se renfermant sur elle-même et trouvant une consolation dans la nature ; elle en développa également une immense empathie pour tous les êtres ayant une disgrâce physique. Elle venait d’avoir 20 ans.

C’est pendant la convalescence qui suivit ce premier assaut de la maladie de Graves que Mary Merecith redigea ses essais naturalistes, première œuvre en prose intitulée « The Spring of Joy » et qui ne sera publiée qu’en 1917 lorsque sa réputation d’écrivain fut établie.



Une fois encore les Meredith déménagèrent et s’installèrent à Meole Brace près de Shrewsbury ; Mary – toujours convalescente – se prit d’affection pour cet ancien moulin devenu la résidence familiale ; sa santé s’améliorant, elle se rendait régulièrement à la bibliothèque de Shrewsbury où elle assistait aussi à des conférences littéraires et des concerts. Malheureusement un nouveau malheur la frappe : son père, dont elle était très proche, mourut subitement causant chez Mary un nouvel accès de sa maladie.



En 1910, elle rencontra Henry B.L. Webb, jeune homme cultivé, diplômé de Cambridge et professeur. Elle retrouva en lui les qualités qu’elle appréciait chez son père, d’autant plus que Mr. Webb s’intéressait autant qu’elle à la nature et l’écriture ; il se fiancèrent donc un an plus tard et se marièrent l’année suivante.



Son mari enseignant à Weston-super-Mare, Mary dut quitter son cher Shropshire et la campagne qu’elle aimait tant ; cet exil la stimula à écrire son premier roman « The Golden Arrow » ; l’action se situe dans une vallée sise entre les collines du Sud Shropshire, une région qu’elle connaissait particulièrement bien ; le personnage principal du roman est le portrait exact de son père décédé.



Mary Webb souffrait particulièrement du mal du pays, son comté manquant à son esprit créatif.

En 1914, les Webb retournèrent dans le Shropshire où la jeune femme termina son roman. Elle fut très affectée par la première guerre mondiale dans laquelle se battaient ses trois frères ; pendant cette période de tristesse et souffrance, elle écrivit son deuxième roman, à nouveau une ode rurale située dans le Shropshire mais dont l’ambiance reflète cette époque tragique. Ce roman « Gone to Earth », qui parut en 1917, fut largement acclamé par Rebecca West ainsi que par d’autres écrivains et critiques littéraires, tel John Buchan.



Cette même année, Mary Webb réalisa enfin son rêve, à savoir acquérir sa maison à Lyth Hill ; son mari enseignait alors à la Priory School de Shrewsbury ; de leur nouvelle demeure, on apercevait la Shropshire Plain, lieu que Mary préférait entre tous ; elle trouva enfin la paix et l’inspiration qui la poussèrent à écrire ses autres romans et poèmes. C’est là qu’elle écrivit « The House in Dormer Forest », son roman le plus drôle et le plus léger qui sera publié en 1920. L’argent que lui rapportaient ses publications servaient à faire des petits cadeaux aux enfants du village ou dans les rues de Shrewsbury.



Lorsqu’Henry Webb obtint un poste d’enseignant à Londres, les Webb s’installèrent dans la capitale britannique, tout en conservant Spring Cottage pour les week-ends et les vacances scolaires. Mary Webb se languissait de son comté, mais lorsqu’elle y retournait seule, elle n’y trouvait pas non plus la paix du cœur car c’était alors son époux qui lui manquait !

Londres permit toutefois à l’auteure de développer sa carrière littéraire par des rencontres avec d’autres écrivains.

Son quatrième roman, « Seven for a secret », fut commenté dans des journaux importants dans les cercles littéraires ; peu après elle devint elle-même critique, écrivant pour le Spectator et le Bookman.



Son grand succès, elle le devra à son 5ème roman, « Precious Bane », qui remporta le Prix Femina. Le livre fut particulièrement apprécié par Stanley Baldwin, alors premier ministre, qui adressa à Mary une lettre de félicitations dans laquelle il lui exprime tout le plaisir qu’il eut à la lire.

Pourtant malgré la reconnaissance de ses pairs, le succès auprès du grand public se fit attendre pour Mary Webb et arrivera malheureusement trop tard pour elle.



Vers 1926, sa santé se détériora rapidement, de même que son mariage, sans oublier des soucis d’ordre financier. Gravement malade, Mary Webb ne put terminer son sixième roman qu’elle situait dans le Shropshire médiéval. Elle passa l’été suivant dans son cher Spring Cottage et s’installa ensuite dans une maison de repos du Sussex, où elle mourra en octobre 1927 à l’âge de 46 ans.

Sa mort passa quasi inaperçue dans la presse et dans le monde littéraire ; cependant, par une ironie du sort, elle devint célèbre à titre posthume à la suite d’un discours du premier ministre Baldwin, discours dans lequel il acclame son œuvre. Les journaux rapportèrent les propos du ministre à l’ encontre de ce « géniel non reconnu », provoquant une ruée en librairie sur les livres de Webb.



L’éditeur Jonathan Cape acquit les œuvres complètes de Mary Webb, qui comprenaient ses 5 romans, le roman inachevé, ses nouvelles, poèmes et essais naturalistes. Tous devinrent des best-sellers tout au long des années 30.

Depuis on considère que les romans de Mary Webb sont un peu passés de mode et surtout deux d’entre eux font régulièrement l’objet de rééditions : « Precious Bane » et « Gone to earth ».



Les romans de Mary Webb font l’apologie de la nature et des méandres de l’âme humaine ; elle a toujours développé une grande tendresse pour ses personnages, désireuse d’écrire ce qu’ils avaient de bon en eux. Cependant l’aspect plus sombre de ses romans n’attiraient pas toujours certains lecteurs et son style fut parfois ridiculisé par d’autres écrivains.



Stella Gibbons, par exemple, critique littéraire connue pour sa plume acérée et son humour caustique, très appréciée par le groupe de Bloomsbury – trouvait « The Golden Arrow » de Mary Webb totalement absurde et parodia le livre dans « Cold Comfort Farm » qui devint d’ailleurs également un succès de librairie à l’époque.



C’est en consultant le site consacré à Mary Webb que j’ai pu adapter l’article de Madame Gladys Mary Coles, présidente de la Mary Webb Society.


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