« V150 » tel était le nom de l’opération visant à confirmer la suprématie de la grande vitesse ferroviaire Française. Le record détenu par le TGV Atlantique 325 (515,3 km/h) a été récupéré par un autre TGV, le POS 4402 filant à 574,8 km/h sur la LGV Est-Européenne. Tout s’est déroulé comme prévu, sur le papier l’opération est une réussite : l’objectif des 540 km/h est dépassé. Toutefois, la presse française comme internationale prend un malin plaisir à dévaloriser ce record sur de nombreux points. Peut-on parler d’un record alors que le maglev fait 7 km/h de mieux ? Vu les modifications effectuées sur la machine, peut-on dire que le train ayant battu le record est un TGV ? Pourquoi ce record parait décevant ? Réponses.

13h01, le TGV POS 4402 s’élance. Comme notre ami Serge, des millions de Français suivent l’évolution de ce train pelliculé pour l’occasion : « il est parti .. à l’heure et est déjà à 200 km/h … 300 km/h … 400 km/h … 500 km/h …550 km/h … 574 km/h et des poussières ». Voilà, le record est établi à 574,8 km/h et une grande joie traverse les Français. De mon côté, comme de nombreux ferrovipathes (passionnés de chemins de fer) et cheminots, je suis relativement déçu : Alstom/RFF/SNCF restent à 7 km/h du record établi par le maglev. Mais, on sait que pour ce record, de nombreux arguments pèsent en faveur du TGV. Par contre, la presse se contente de dénigrer le record du TGV.

Premier point : le matériel
« De toute façon le record n’est pas du TGV, le matériel utilisé n’était pas un TGV. » Le TGV en était bien un mais composé de manière différente : deux motrices de TGV POS et 3 remorques de Duplex. En matière de TGV, on ne peut pas faire mieux. Les roues sont d’un diamètre de 109 cm au lieu de 92 cm en temps normal. Autant dire que le changement est minime. La motorisation est toujours celle d’un TGV POS mais non bridée et renforcée. Et ce moteur AGV qu’on présente comme venu de nul part. Il s’agit simplement d’un moteur qui équipera le successeur du TGV : l’AGV (Automotrice à Grande Vitesse). On reste donc dans la même famille et l’élément ajouté sur le TGV n’a rien d’extraordinaire vu qu’il équipera les prochains trains à grande vitesse d’Alstom. Ces trains là pourront rouler à 350-360 km/h en service commercial. Quoiqu’on en dise, le TGV utilisé pour le record n’avait rien d’extraordinaire, il s'agit simplement d'un TGV de série affecté à l'Ourcq, et vous le croiserez très prochainement lors de vos voyages.

Deuxième point : le maglev fait mieux
581 km/h : le maglev fait mieux. En effet, la savonnette japonaise est allée plus vite. Mais n’oublions pas que ce record n’est pas officiel. Il n’a jamais été homologué. Admettons que les japonais aient vraiment atteint cette vitesse, peut-on comparer les deux records ? Les deux technologies utilisées (rails pour l’un et sustentation magnétique pour l’autre) sont très différentes et comparer les deux records reviendrait à comparer le record du lancer de poids et de disque. Le rail apporte bien plus de contraintes qu’une sustentation magnétique dès lors qu’on atteint de très grandes vitesses. Alors, ne faisons pas d’amalgame, l’exploit du TGV est splendide et le fait de n’être qu’à 7 km/h derrière le maglev ajoute davantage de charme au record qu’il ne lui en retire. De plus, si nous souhaitons tout de même comparer les deux records posons-nous les questions suivantes concernant le maglev : S’agissait-il d’un appareil de série ? Il y avait-il autant de monde dedans ? Le confort décrit par tous les passagers de la rame V150 était-il là ? A la dernière question, on peut certainement répondre non à la vue des vidéos du maglev établissant le record officieux : les vibrations étaient monstrueuses à son bord. Alors, même si on peut être déçu que les 30 millions dépensés n’aient pas permis au TGV de dépasser les 581 km/h, soyons fiers de nos entreprises françaises, le record du TGV n’a pas d’égal !

Troisième point : le battage médiatique
Si le record peut sembler raté, c’est également en raison du battage médiatique effectué autour de ce dernier. N’oublions pas que le projet était d’atteindre 540 km/h et le TGV a fait 34,8 km/h de mieux. La presse nous a rapidement fait oublier le but initial. Contrairement à 1990, de nombreuses informations ont été révélées durant les essais. Ainsi, il y a plus d’un mois, Le Parisien/Aujourd’hui en France révélait que le TGV allait déjà à plus de 550 km/h. Vendredi dernier, on savait qu’il avait atteint les 568 km/h. On savait depuis longtemps que le TGV avait dépassé les 540 km/h et donc l’effet de surprise de le voir aller à 574,8 km/h n’était pas là. Une nouvelle fois, bravo à nos ingénieurs qui se sont dépassés pour permettre un record à 574,8 km/h au lieu d’un objectif fixé à 540 km/h.

Profitons-en !
Profitons de ce record pour nous vanter d’être les meilleurs dans un domaine car malgré la confiance affichée de la presse et d’Alstom/RFF/SNCF, la grande vitesse ferroviaire Française ne va pas si bien. Certes, la France a toujours le plus important réseau Européen mais la construction de nouvelles infrastructures est ralentie ces dernières années alors que d’autres pays ont lancé de grands travaux de construction (l’Espagne par exemple). Toutefois, de nombreux projets Français sont en cours donc la mise en place de LGV devrait reprendre. Par contre, plus grave, le retard pris par Alstom dans le développement de son AGV. Ce remplaçant du TGV permettra d’atteindre des vitesses commerciales de 350-360 km/h et sera bien plus modulable afin de mieux répondre au rapport demande/offre : plus court qu’un TGV, les UM (unités multiples) pourront être composées de 3 AGV. Le problème, c’est qu’aucun prototype n’est encore sorti alors que Siemens a déjà livré son Velaro (train allant lui aussi à 350 km/h) à l’Espagne. Espérons que les clients seront convaincus par le coût de maintenance bien inférieur à celui du Velaro ou de l’ICE3. Toutefois, comme nous l’avons vu, avec l’actuel développement des LGV, le marché est maintenant et il ne faudrait plus trop tarder.

La grande vitesse ferroviaire est un domaine où nous sommes encore leader, alors profitons-en pour l’afficher à travers ce record. Toutefois, ne nous endormons pas sur nos lauriers comme nous l’avons malheureusement trop souvent fait.