Eternelles bagarres d’écoliers, résurgence de «la Guerre des boutons»? Les nouveaux jeux des cours de récréation inquiètent les adultes par leur violence ritualisée et punitive. Les jeux sont faits. Rien ne va plus? Enquête...
Ca s’appelle le «jeu du jugement» ou «jeu des juges». Jeu pour les ados mais casse-tête pour les grands. Une de ces histoires qui plongent les adultes dans des abîmes de perplexité: est-ce juste qu’ils ne comprennent plus les jeunes ou ceux-ci sont-ils réellement devenus des petits monstres incontrôlables?
Le «jeu» donc. Pour ce qu’on en sait, ses règles sont assez sommaires: des «juges» autodésignés édictent une «loi», ceux qui n’y obéissent pas sont sanctionnés. Jusqu’ici tout va bien. Mais, lorsque le jeu dérape vers le règlement de comptes à peine déguisé, problème. Des élèves du lycée Jules-Verne de Sartrouville, dans les Yvelines, en ont fait l’expérience fin janvier.
C’était un lundi après-midi. La classe de BEP «maintenance des systèmes mécaniques automatisés», exclusivement composée de garçons et considérée comme une des plus dures de l’établissement, avait cours de sport. Le prof avait prévenu: lundi, test d’endurance. Les «juges» ont sauté sur l’occasion: ce jour-là, la loi consisterait à boycotter le test. Sur les vingt-deux lycéens de la classe, une quinzaine se rendent sur le stade. Mais cinq d’entre eux seulement acceptent d’user leurs baskets sur la piste: les autres s’installent, goguenards, dans les tribunes. Première sanction, les coureurs reçoivent des pierres chaque fois qu’ils passent devant les gradins. La justice telle qu’ils la jouent est expéditive, elle ne s’embarrasse ni d’enquête ni de défense des accusés. Le prof intervient, les jets cessent. Mais, à la fin du cours, la punition continue: les désobéissants, les «jugés», doivent payer. Le professeur surprend ainsi un groupe d’élèves en train de rouer de coups un des leurs. Il les sépare et, comme c’est l’usage en cas d’incident, fait un rapport que la proviseur découvre le lendemain matin.
Elle s’inquiète de la victime, qu’on appellera Olivier. Un jeune qui s’était déjà plaint d’avoir été agressé, d’être la tête de Turc de la classe. Il n’est pas en cours. Coup de téléphone chez lui: ses parents expliquent que leur enfant est traumatisé. Olivier a raconté les pressions subies depuis des semaines. Ils portent plainte. Une rapide enquête montre que trois autres élèves ont été frappés. «On a découvert alors que seuls les "gouères" avaient été punis», raconte Odile Argot, la proviseur. Les «gouères»? Qu’est-ce que c’est? Les «Français», répondent les jeunes, ou plus exactement les «vrais Français», de souche, les «Blancs». Effectivement, sur les cinq élèves qui ont couru se trouvait un jeune Maghrébin, bon élève. Il a désobéi, a reçu des menaces verbales, mais a échappé à la punition... Suite de l' article en lien
Par Isabelle MONNIN pour:
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