Pour la première fois, la pression statistique imposée par Nicolas Sarkozy aux forces de l'ordre a été publiquement critiquée par un responsable policier. Jeudi 4 décembre, lors du congrès des commissaires, le patron de la sécurité publique de Haute-Savoie a dénoncé les dérives liées à l'obsession des chiffres.
L'atmosphère promettait d'être tranquille. Pourtant, lors du congrès du Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN), à Montluçon (Allier), un haut responsable de la police nationale a publiquement exprimé, pour la première fois depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, ses doutes sur la "culture du résultat", que le ministre s'évertue à diffuser au sein des forces de l'ordre.
Le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de Haute-Savoie, Bernard Reymond-Guyamier, qui participait à une table ronde sur la performance policière, s'est érigé, jeudi 4 décembre, en porte-parole des commissaires face aux "objectifs parfois antagonistes" qu'on leur assigne. Il a souligné, en particulier, les limites de la pression statistique sans précédent exercée sur les policiers et les gendarmes, et les dérives qu'elle peut engendrer. "Le risque évident est de présenter une copie "propre". On ne triche pas avec les chiffres, mais on devient malin, a-t-il expliqué. Chaque mois, notre direction centrale nous envoie des tableaux colorés magnifiques comportant des comparaisons avec les départements voisins. On affiche ça dans les couloirs, mais les collègues n'en ont rien à faire."
Le cabinet de M. Sarkozy a immédiatement affirmé que le DDSP de Haute-Savoie n'était "pas représentatif". Pourtant, le policier a été approuvé par de nombreux collègues, lorsqu'il a rompu ce que Frédéric Ocqueteau, chercheur au CNRS et autre participant à la table ronde, appelle le "mur du silence". "Toute la rhétorique sur les mauvais et les bons élèves parmi les policiers est une perversion, explique le sociologue, interrogé par Le Monde. Aujourd'hui, quand un chef de service veut remplir une colonne statistique, il dit à ses hommes de faire tant d'interpellations ou de contrôles d'identité. L'idéologie de la culture du résultat n'envisage jamais d'approche qualitative. Ça va finir par révolter les policiers de la sécurité publique..."
Suite de l'article du Monde