Face aux trois siècles d’histoire des grands crus bordelais, la poignée de décennies de l’apogée Petrus semble dérisoire ! Comment un vin produit dans un château austère et sans grâce particulière a-t-il pu entrer dans la cour des grands ? ...
Il se trouve que Madame Loubat, véritable instigatrice de l’exception Petrus, élabore une technique marketing particulièrement efficace.
Mais peut-être les arômes inimitables de Petrus ont-ils aussi l’extraordinaire faculté d’envoûter le palais, à la façon d’un philtre d’amour...
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Pour assurer la promotion de son « cher Petrus », la Libournaise, qui tient les rênes de l’exploitation depuis le milieu des années 40, use d’un stratagème efficace qui permet au Petrus de forger sa légende. Elle commence par toucher d’éminentes personnalités, ne suivant que son instinct, expédiant notamment une caisse de son élixir à Elisabeth II d’Angleterre à l’occasion de son couronnement. La reine, aussitôt après avoir goûté « ce petit vin français », en fait « son ordinaire » à la cour ! Outre Atlantique, le clan Kennedy est également séduit par le parfum de truffe si singulier et la couleur d'encre du Petrus – qui lui valut le fameux surnom de « sang de merlot », cépage cultivé surtout dans le Bordelais. La rumeur dit même que Marilyn Monroe l’apprécie tout particulièrement lors de ces visites clandestines à la Maison blanche...
Malgré l’influence de ses parrains de haute lignée, Petrus reste dans l’ombre jusque dans les années 70. À cette époque, le millésime 1975 se vend au prix dérisoire de 40,20 F la bouteille au départ de la propriété ! Puis, un miracle se produit : le vin gagne en réputation d’année en année, sans raison apparente... Le talent et la patience du maître de chais, Jean-Pierre Moueix, actuel co-propriétaire du domaine, parachèvent le travail de Madame Loubat. Aujourd’hui, acheter un Petrus relève du luxe ! Si la bouteille de vin primeur se négocie entre 1.500 F et 1.800 F, le coût de l’un des derniers millésimes peut atteindre plus de 4.000 F, et les prix des meilleures années peuvent atteindre des sommets. Ainsi, à La Tour d'Argent à Paris, un magnum de Petrus 1961 coûte la bagatelle de... 80.000 F!
Certains millésimes sont absolument exceptionnels. Ce sont les années 1947, 1950, 1961 et 1990. Viennent ensuite les 67, 70, 71, 75, 79, 82, 85, 86, 88, 89, 92. Ne cherchez pas le millésime 1991 : du fait de la moindre qualité de la récolte, le domaine choisit de renoncer à sa commercialisation, cas tout à fait exceptionnel en Bordelais. Selon l’avis du maître de chais, le cru n’aurait pas été digne de faire un grand vin ! Voilà donc une caractéristique qui ajoute à la renommée d’excellence du domaine Petrus. Les connaisseurs ne s’y trompent guère : pour permettre au Petrus de s'exprimer pleinement, la patience est une règle d’or. L’apogée de ce vin de longue garde nécessite en effet entre 5 et 15 ans de cave. Aussi, lorsqu’on le sert religieusement, à température ambiante, c’est toute sa légende qui remonte à la surface, laissant présager une destinée encore exceptionnelle... Se mariant à merveille avec des plats raffinés et luxueux comme un tournedos au foie gras truffé ou encore un carré de veau aux girolles, il exhale ses arômes miraculeux...
Par Mathilde Voinchet pour :
Gastronomie