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Une petite excursion à Chernobyl, ça vous tente ?

Il ne vous en coûtera que de 200 à 400 dollars la journée – de 9.00 à 19.00, repas et transport compris, mais rien ne vous empêche de rester plusieurs jours. Par ailleurs si vous vous y rendez en groupe, vous bénéficierez évidemment d’une ristourne !

C’est bien connu : le ridicule ne tue plus ; le mauvais goût apparemment non plus. Sans oublier le cynisme de l’agence de voyage Artex qui n’hésite pas à utiliser le slogan suivant dans sa brochure publicitaire : « Venez goûter à la paix et la quiétude de la ville abandonnée de Pripyat » …



Voilà près de vingt ans, le 26 avril 1986, qu’explosa le réacteur 4 libérant des tonnes de matière radioactive dont les radiations furent 400 fois supérieures à la bombe américaine sur Hiroshima. Cent vingt mille personnes furent évacuées.



Le nom seul de Chernobyl évoque contamination, maladie mais est aussi synonyme de failles, de fuites et d’incompétence de la part du régime soviétique. Y travaillent encore à présent 2700 ouvriers.



Dix-neuf ans après la catastrophe, le gouvernement ukrainien a créé une agence d’information : la « Chernobylinterinform » et mis sur pied ces excursions lugubres d’un goût douteux et morbide vers la centrale et les zones d’exclusion.



Les excursions sont codifiées, suivant un itinéraire aux étapes précises à respecter ; les guides et interprètes accompagnant les touristes recommandent aux visiteurs de ne pas quitter le groupe, de ne toucher à rien pour éviter tout risque de contamination et de ne circuler que sur les chemins de ciment et d’asphalte où les risques sont mineurs ; des panneaux « Danger » rappellent à tous qu’ils sont en balade dans un lieu hautement dangereux. Le danger ne se voit pas, mais cette nature placide où le désert vert est synonyme de risque provoque un sentiment de malaise accentué par la présence d’arbres portant des signes de mutation génétique (sapins, peupliers, bouleaux).



Le tour commence par le village de Kopaci, détruit par l’explosion et l’incendie qui s’en suivit ; seuls subsistent la poste et l’école maternelle dont les fenêtres ont été peintes en bleu ciel. Sinon tout est gris, désolé, recouvert de poussière. On y circule sur les décombre et le guide rappelle une fois de plus de ne rien toucher, de ne pas non plus aller dans le petit bois, les espaces verts étant les plus contaminants. Seule cette peur de la contamination empêche les visiteurs d’emporter en guise de souvenir des objets, témoins de la vie quotidienne des petits enfants, ceux qui furent les premières victimes de la catastrophe, frappés d’un cancer de la thyroïde. Pourtant une petite fille de 6 ans, Masha, pleine de vie et d’énergie, vit encore dans la région, à environ 30 kilomètres de l’endroit ; elle habite avec ses parents dans une dacha située quasiment à côté du fleuve Pripyat ; à chaque fois que la police tente de faire comprendre à Mihaïl et Lydia, ses parents, qu’ils doivent quitter ces lieux, ils répondent qu’ils ne savent où aller ; lui était mineur, ensuite est venu travailler à la construction de la ville de Pripyat. Ceux qui ont mesuré la radioactivité leur ont dit qu’il n’y avait pas de grand danger, aussi vivent-ils d’une petite pension et de ce que leur apporte leur potager, leur vache et leur poule.



Par ailleurs, Masha est beaucoup photographiée, contre petite participation et un contrat existe avec la télévision britannique pour un reportage sur la gamine.



Mais revenons à nos moutons ! Pardon à nos touristes. Après Kopaci, visite de Rassokha ; ici on peut « admirer » les moyens de transport qui servirent aux secours : camions, camions-citernes, camions-chenilles, avions, et hélicos Mykayan M-12 (les plus grands hélicoptères au monde). Ici le guide s’énerve parfois car les touristes tentent de franchir les filets de sécurité, désireux de se faire photographier sur les véhicules.



Enfin, dernière étape de l’excursion : Pripyat, la ville fantôme, qui fut construite dans les années 70 conjointement à la centrale nucléaire afin d’y loger les travailleurs : immeubles de 15 étages à la soviétique où habitaient plus de 50.000 personnes évacuées en autocars – 36 heures seulement après l’explosion ! Actuellement, la végétation envahit les carcasses de béton ; on peut y monter jusqu’au 15ème étage et « profiter de la vue », observer ce lieu de désolation et de mort, tout comme l’offre la vue panoramique de la terrasse du café de l’hôtel Polissia.



Qui sont-ils, fascinés par ce tourisme morbide ? Des Finlandais, amateurs de lieux isolés, de grand calme et de silence ; des Juifs Hassidim, venus des Etats-Unis en pèlerinage ; avant la Révolution Russe, les Juifs orthodoxes ne pouvaient vivre qu’à une centaine de kilomètres d’une grande ville par décret du tsar ; Kiev est à 100 kilomètres de Chernobyl. Des Anglais, des Américains, certains travaillant dans une centrale nucléaire dans leur pays.



Bien entendu, le marketing n'est pas oublié : des objets souvenirs, tels casquettes, t-shirts, etc, sont en vente dans la boutique.



Quant aux visiteurs ils peuvent emporter leur photo-souvenir qui provoque quelques sensations : se faire photographier sur le mesureur de contamination ; on pose les mains sur les poignées et on regarde l’objectif. Si la lampe-témoin demeure verte, pas de problème ! Les sourires sont légèrement crispés malgré tout.

Evidemment si le témoin devient rouge, il y a risque de contamination, mais que l’on se rassure, un hélicoptère vous transférera immédiatement vers l’hôpital le plus proche où vous pourrez passer quelques vacances en isolement, bien au calme et à l’abri des foules !



Inspiré par un article d'Anna Bissanti i paru dans la Repubblica, et par un article de Fabrizio Ravelli paru dans le supplément La Repubblica delle Donne.



Par ailleurs, voir aussi les sites www.for-ua.com - www.ukrnow.com et www.inyourpocket.com/ukraine ou www.artex.com.ua (mais faut connaître le russe)

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