L'informatique était censé nous libérer la vie. Dans les call-centers, elle sert plutôt à fliquer les télé-opérateurs, ces galériens modernes que des protocoles veulent transformer en homme-machines. Le monde est-il tombé aux mains des robots ?
Les call centers, par cette dénomination même, drainent un imaginaire résolument moderne, en parti nourri du boom récent des services à distance. Travailler dedans est présenté comme enrichissant et rémunérateur. Une nouveauté source de progrès, donc ? Pas sûr et il n'y a pas que les clients qui ont de quoi raccrocher… Voyons quel monde se bâtit en découvrant les conditions de travail de ces gens qui vous aident par téléphone. Tandis qu'on imagine souvent que les rapports de dominations au travail se font plus doux (on est plus au temps du taylorisme, etc.), les centres de recherches et développements des entreprises en télécommunications remarquent que l'opérateur téléphonique est « placé désormais dans une position analogue à celle qu'occupait l'ouvrier travaillant à la chaîne dans l'usine industrielle »1. Malgré les disparités des différents centres, le téléopérateur (hotliner, opérateur) enchaîne invariablement les coups de téléphones comme d'autres enfilent les portes... Pour parvenir à ce résultat bien huilé, une cohorte de contraintes s'exercent sur les employés des centres d'appels : l'appareillage technique, le travail assidu des managers et d'autres complices, parfois fantômes. Plongeons au cœur d'un de ces centres, pourtant pas des plus malheureux avec des marges de manœuvres que n'ont pas d'autres centres. Pour avoir travailler un temps, il ne s'agira pas de désigner des coupables sur une base psychologique ou statutaire mais d'interroger la source sociale des rapports de dominations, source qui dépasse les individus tout en s'y en incarnant. Si les employés ont une position inconfortable, les managers en ont une autre toute aussi explosive car ces derniers ont un rôle de gendarme alors que dans le même temps, nombre d'entre eux se montrent solidaires envers les subordonnés en difficultés.
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