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Du pantalon considéré comme une "valeur fondamentale"

Un technicien de l'usine Sagem de Saint-Etienne-du-Rouvray, dans la banlieue de Rouen, a saisi le tribunal des prud'hommes pour demander sa réintégration après un licenciement. Objet du litige : un bermuda. Plus précisément, "l'opposition forte et persistante à l'application d'une consigne simple : le port d'un pantalon par les hommes sur les lieux de travail".

"Préparateur méthode", Cédric Monribot, vingt-neuf ans, passionné de la carte SIM que l'on place sur les décodeurs numériques de télévision, était employé en contrat à durée indéterminée depuis août 2000, après des années d'intérim. Titulaire d'un DUT de génie électrique obtenu après une reprise d'études, Cédric est un tenace, adepte du principe : "Au travail, il faut être bien dans sa tête et bien dans son corps."



Comme beaucoup, il avait ressenti avec un plaisir immense les premiers vrais rayons de soleil de la fin du printemps. Cela se passait le 21 mai. Il se rend à son travail dans une élégante culotte courte, avec ceinture, chemise légère et chaussures basses. Il raconte : "A midi, je déjeune avec mon chef. A 16 heures, la direction me fait savoir qu'elle souhaite vivement que je mette un pantalon. Je tombe des nues. J'étais correctement habillé."



Cédric n'est pas totalement naïf. Il sait que, dans cette entreprise de 450 salariés, les relations humaines n'ont rien à voir avec l'ambiance high-tech d'une start-up californienne. La blouse blanche en coton, modèle années 1960, est de rigueur pour limiter les effets de l'électricité statique. Dans les ateliers non climatisés, elle "tient chaud l'hiver", mais devient vite insupportable lorsque la température grimpe, comme en mai. Il faisait 27 degrés dans l'usine. Cédric ne cède pas, alimente les conversations, embarrasse sa hiérarchie, et se défend : "Je n'ai rien vu dans le règlement m'interdisant le bermuda, d'autant que les femmes le portent. J'estime avoir les mêmes droits." Les contacts directs avec les clients de Sagem sont rares, le plus souvent téléphoniques. D'ailleurs, précise-t-il, "j'ai toujours un pantalon dans mes affaires". Pour deux raisons : lorsque le temps se couvre, et s'il a rendez-vous avec son directeur. Ce qui a fini par se produire avec, à la clé, malgré le soutien d'une centaine de salariés qui ont signé un appel de la CFDT, de FO et de la CSL, le licenciement, le 22 juin.



"Nous ne pouvons tolérer qu'un technicien de votre niveau, non seulement refuse d'appliquer une consigne que tous les autres salariés respectent, mais également marque publiquement à cette occasion son refus d'adhésion aux valeurs fondamentales de notre société", écrit le chef du personnel dans la lettre le congédiant. Des valeurs qui ne lui ont pas été précisées, mais que le directeur de l'établissement, Olivier Rouvière, a suggérées sous forme de questions : "Est-ce que vous revendiquez l'égalité hommes-femmes pour le port de la jupe, les congés parentaux et le voile islamique ?" Cédric Monribot se réfère plutôt à son bilan professionnel au sein de la Sagem. "Mon travail est à l'image de l'entreprise, sinon vous ne m'auriez pas fait gravir un échelon en trois mois, alors que certains attendent des années." En décembre 2000, Cédric avait été confirmé dans son poste et gratifié d'une augmentation. La direction de l'entreprise se refuse à tout commentaire.



Par Etienne Banzet



Source : Le Monde

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