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Pioneer rencontre une anomalie

Astronomie: Aux confins du système solaire, une force mystérieuse freine la course des sondes spatiales. Pour expliquer cette anomalie, les astrophysiciens n'hésitent plus à bousculer Newton et Einstein.
"Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement ", chantait Boris Vian en essayant de fabriquer une bombe atomique. Aujourd'hui des astrophysiciens, et non plus des physiciens nucléaires, entonneraient bien ce refrain.


Car certaines de leurs sondes spatiales leur font bien des misères. Jugez plutôt : Pioneer 10 et 11, des engins envoyés il y a près de trente ans pour explorer le système solaire, ne volent tout simplement pas à la vitesse prévue. Tout se passe comme si une mystérieuse force les freinait en permanence. Un effet infime, juste de quoi arrêter un véhicule lancé à 100 km/h en dix siècles, mais quand même beaucoup trop fort pour l'ignorer. D'autant qu'Ulysse et Galileo, des sondes plus récentes envoyées dans d'autres directions que les Pioneer, présenteraient le même défaut.







" J'ai consacré presque huit ans de mon travail à cette anomalie. Et, dans les quatre dernières années, ce souci était quotidien ", témoigne Slava Turyshev, du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa, auteur avec cinq autres chercheurs d'un épais rapport de près de cent pages récemment mis en ligne sur cet épineux problème. L'histoire n'est donc pas si neuve. En fait, quelques années après les départs des sondes en 1972 et 1973, on soupçonnait que " quelque chose clochait là-dedans ". Mais en octobre 1998, les six mêmes auteurs du dernier rapport, après avoir minutieusement analysé sept ans de données de Pioneer, jetaient un premier pavé dans la mare. Trois ans plus tard et avec quatre ans de données supplémentaires, ils récidivent donc en affinant leur conclusion, sans appel : " L'effet est clairement significatif et demeure inexpliqué. "


Il y a donc bel et bien un mystère. Pourtant, ils ont tout essayé pour résoudre l'énigme, étudiant les engins sous toutes les coutures, recherchant les plans d'origine et allant même jusqu'à sortir de leur retraite les architectes des sondes. Mais depuis les logiciels informatiques qui traitent les données jusqu'aux antennes radio influençant les signaux, en passant par les effets des vents solaires ou des astéroïdes, rien ne fournit d'effet aussi important. Même l'hypothèse d'une fuite de carburant a été testée. Alors, la balle se trouve désormais dans le camp des théoriciens du cosmos.


Cette balle, ils l'ont saisie et elle, elle n'est pas freinée ! Loin de là, puisqu'en moins de trois ans des dizaines d'articles ont fleuri sur les bases de données de physique. Dans ces écrits, Newton, Einstein et les conceptions standards de la cosmologie sont particulièrement malmenés. Bien sûr, ébranler les idoles n'est pas interdit. Pourvu que la solution respecte des données fondamentales. En particulier, il faut expliquer pourquoi l'effet proposé se ferait sentir sur des objets de trois cents kilogrammes, comme les sondes, mais pas sur d'autres de plusieurs milliers de tonnes, comme les planètes. En effet, depuis que l'on observe le ciel, les trajectoires des objets massifs sont assez précisément connues. Ce n'est quand même pas deux ou trois boîtes de conserve périmées qui vont nous faire revoir les éphémérides. Ça au moins, c'est du solide. Avant de toucher aux sacro-saintes lois de la gravitation, vérifions que la modification ne chamboule pas tout.


L'astuce est donc de proposer un modèle qui touche aux sondes mais pas aux planètes. Force est de constater que les physiciens sont astucieux, car chacun y parvient... à sa façon. On a même l'impression que ces sondes sont une vraie aubaine pour beaucoup d'entre eux. Théoriciens, ils sont friands de données cosmologiques pour les confronter à leurs modèles globaux d'Univers. Le plus incroyable, c'est que cela fonctionne toujours et pour tout le monde ! Et encore, il semble qu'il manque encore à l'appel l'importante communauté de la théorie des cordes (voir S. et A. n° 648, février 2001). Mais pour autant, croyez-vous que ce soit la foire d'empoigne entre les scientifiques ? Absolument pas. Quelques regards discrets sur le travail du voisin, voire de l'ignorance pure et simple ou une arrogance polie sont les seules attitudes constatées.


Quoi qu'il en soit, les sautes d'humeur de Pioneer témoignent incontestablement du bouillonnement de la discipline. L'ironie de l'histoire serait que ces sondes lancées il y a près de trente ans valident des modèles cosmologiques parfois osés, décrivant des milliards d'années de l'histoire de notre univers. Toutefois, pour Alain Milsztajn, du CEA, observateur neutre de la question, " soit la réponse est hyper révolutionnaire, soit nous avons fait une erreur stupide comme mal juger d'une fuite de carburant ". A suivre... (suite de l' article en lien) par David Larousserie



Source & infos complémentaires : Sciences & Avenir


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