De puissants drakkars accostent sur nos côtes, mais leurs intentions sont pacifiques. Les Vikings ont à coeur de nous offrir la denrée dont les Européens du Sud raffolent le plus : du Diesel de haut de gamme performant.
Lorsque l'on parle de Vikings, une image vient à l'esprit. Celle de barbares pillant sans relâche l'Europe continentale avant de repartir à bord de leurs rapides drakkars. Ce que l'on sait moins, c'est que, auparavant, les Vikings étaient un peuple nomade ne désirant qu'une chose, s'intégrer au mieux dans un pays moins hostile que le leur. Un peu comme Saab et Volvo qui, pour contenter 44 % des Européens demandeurs de gazole dans le haut de gamme, et surtout 80 % des Français, dotent leurs plus prestigieux vaisseaux de Diesel dignes de ce nom.
Une volonté d'intégration déjà entrevue chez Volvo. La S80 n'en est, en effet, pas à son premier Diesel, mais qui prend ici une autre mesure : le D5 est 100 % maison. Saab, lui, en est à sa première tentative, et s'attache les services d'un bloc inédit qui fera les beaux jours de la Renault Vel Satis.
Mécanique
En effet, entre montrer de l'intérêt pour des Diesel sophistiqués et concevoir de tels moteurs, il y a un pas que Saab n'a pas franchi. Laissant le soin de la conception à Isuzu, le constructeur suédois a tout de même émis quelques souhaits, par l'intermédiaire du groupe GM, afin qu'il puisse prendre place sous le capot de sa 9-5. La résultante est un six-cylindres en V de 3 l assez compact et techniquement moderne. Injection directe à rampe commune et turbocompresseur à géométrie variable lui permettent de développer une puissance de 176 ch à 4 000 tr/min pour un couple de 350 Nm de 1 800 à 3 000 tr/min. Vitesse de pointe de 215 km/h, accélérations de 0 à 100 km/h en 9"3, la Saab 9-5 V6 TiD n'a pas à rougir face à sa correspondante à essence de 185 ch portant beaucoup moins d'attention à la consommation.
Un moteur très bien adapté aux prétentions sportives de la marque, mais un peu trop brutal dans ses réactions. Montrant peu de volonté en dessous de 2 000 tr/min, il s'exprime très vigoureusement passé ce cap. Un tempérament engendrant quelques désagréments en utilisation urbaine, d'autant que, en approchant de 1 000 tr/min en décélération, la régulation de l'injection donne des coups d'accélérateur pas très opportuns. Il faut donc jouer sur l'embrayage, ferme, en conduite dans le flot citadin. Dès que le paysage verdoie, la Saab chatoie. Plus à l'aise sur autoroute, elle navigue à tombeau ouvert au rythme du sifflement très perceptible du turbo.
Longtemps cantonné à utiliser les Diesel des autres, l'autre suédois a, cette fois, franchi le cap. Le D5 est en effet une production à 100 % Volvo. La marque étant coutumière des moteurs à cinq cylindres, ce nouveau bloc est dérivé de la version à essence ayant équipé dès 1991 la Volvo 850. D'une cylindrée de 2,4 l, il reçoit également un turbo à géométrie variable et une injection directe à rampe commune plus élaborée que celle de la Saab. Ainsi, la pression à la sortie des injecteurs est de 1 600 bars contre 1 450 pour le V6 TiD. Un charabia technique qui, dans les faits, donne un avantage à la S 80 sur bien des points.
En effet, la S 80 D5 fait le bon compromis entre performances et agrément d'utilisation. Plus disponible à bas régime, elle sait évoluer sur un filet de gaz. Les montées en régime sont plus progressives, prodiguent moins d'à-coups. Lorsqu'il le faut, la Volvo fait preuve d'entrain. Malgré une cylindrée, une puissance et un couple moins importants, la S 80 profite des 220 kg qui la séparent de la 9-5. Vitesse maximale de 210 km/h et accélération de 0 à 100 km/h en 9"8, le train imposé par la Saab ne lui fait pas peur. D'autant que, pour la S 80, la course durera plus longtemps grâce à une consommation plus basse.
Châssis
En dotant sa 9-5 d'un Diesel performant, Saab a su préserver son aura sportive. Un peu trop même, si l'on tient compte de l'utilisation plutôt familiale d'une berline de cette catégorie. Saab a même été jusqu'à accentuer ce caractère en adoptant, sur l'ensemble de la gamme, un amortissement plus ferme. Le confort qui en résulte est très moyen, les suspensions se font l'écho des irrégularités rencontrées, bien aidées par des pneus de 17 pouces à taille basse. Malgré cela, les suspensions n'arrivent pas à contenir les mouvements de caisse à haute vitesse, engendrant un effet de yo-yo du nez pas très engageant. Une suspension plus souple aurait au moins donné plus de confort. D'autant que la 9-5 n'a pas à gagner en efficacité. Son comportement routier est sain. La direction, un peu trop lourde, est assez précise, la motricité satisfaisante est sous contrôle, et le train arrière suit le mouvement. De toutes les manières, avec 1 740 kg sur la balance, la Saab ne peut jouer le poids plume. Son domaine de prédilection est l'autoroute, les voyages aux longs cours.
Certes, la S 80, qui est moins lourde, ne répond pas aux mêmes lois d'amortissement. Mais elle connaît sa vocation première et donne entière satisfaction. Chaussée de pneus similaires, la Volvo propose un confort tout autre. Les irrégularités sont laissées sur la chaussée, les mouvements de caisse sont contrôlés en douceur. La tenue de route n'en est pas moins efficace, la S 80 composant avec un train avant directeur et un train arrière passif. La direction est plus assistée, autorisant une tenue de cap moins rigide, mais bien agréable en ville.
Vie à bord
Avec une telle suspension, la Saab ne peut proposer un intérieur de tout repos. Mais, une fois encore, elle répond à une volonté, celle de se démarquer. A ce titre, Saab mise encore sur l'aéronautique comme reflet de sportivité et de haute technologie. Alors que d'autres berlines tendent à donner plus d'espace au conducteur, la 9-5 Vector, au contraire, l'enserre dans un carcan d'aluminium, comme dans un cockpit. La planche de bord, massive et incurvée, fait vraiment front au conducteur. L'avantage, c'est que les commandes sont à bonne distance. L'ergonomie, comme la finition, est parfaite. La 9-5, berline de haut de gamme, propose un traitement de l'habitacle soigné et une habitabilité très satisfaisante. Seul l'insonorisation mériterait plus d'attention. Non pas celle des bruits extérieurs, mais plutôt celle du moteur qui tolère, à bas régime, des remontées aussi bien sonores que vibratoires.
Dans la Volvo, pas de tels désagréments. L'habitacle de la S 80 est le royaume du silence, si bien que l'on a parfois du mal à croire que le moteur fonctionne. Un havre de paix confortable, extrêmement bien fini et proposant une habitabilité sans faille, surtout à l'arrière. La planche de bord est plus fuyante, libérant plus d'espace pour les passagers. Les sièges sont plus moelleux ; la suspension, plus prévenante... Bref, on est bien. Les bagages ne peuvent pas en dire autant, avec seulement 400 l mis à leur disposition, ils embarqueront moins nombreux que dans une Saab plus généreuse de 100 litres.
Equipement
Malgré un écart de prix en faveur de la Volvo, on peut estimer qu'elles offrent toutes deux autant d'équipement, seulement, pas forcément les mêmes. Dans l'ensemble, elles embarquent le minimum acceptable à ce niveau de prix. A savoir, les aibargs frontaux et latéraux avant, le tout électrique, l'ABS, l'antipatinage, la climatisation, la condamnation centralisée, les jantes en alliage et l'autoradio. La Volvo met un point d'honneur à être plus sécurisante. Elle propose donc des airbags de tête à l'avant et à l'arrière. En échange, la Saab s'excuse d'être moins moderne en arborant une sellerie en cuir et en tissu et en se dotant du lecteur CD. Et toutes deux permettent de se concocter une voiture sur mesure grâce à une volumineuse liste d'options.
Bilan
Pour une première tentative, le résultat est plutôt probant. Avec son nouveau V6 TiD, la Saab dispose d'un puissant potentiel qui n'a à souffrir que de la conception intrinsèque de la 9-5. Moins typée sport, la V6 TiD aurait en effet tout à gagner. Face à elle, la Volvo fait preuve de beaucoup de maturité. La S 80 propose une homogénéité sans faille qui comble encore un peu plus le fossé séparant les diesels des essences. Ce n'est pas avec des diesels comme ceux-là que l'on va reprendre goût à l'essence.
Texte et photos de Fabrice DAL'SECCO
Source : L'argus.com